Les tendances attendues en 2024 dans l’Horeca

Cette année encore, et comme le veut la tradition séculaire depuis l’ancien testament, nous nous prêterons aux pronostics des tendances Horeca pour l’année à venir. Un exercice toujours excitant, même si nous n’avons pas de don particulier, si ce n’est celui d’être attentifs et vigilants, aussi bien en Belgique, qu’à l’étranger

Date de l'article: 21 Décembre 2023

Cette année encore, et comme le veut la tradition séculaire depuis l’ancien testament, nous nous prêterons aux pronostics des tendances Horeca pour l’année à venir. Un exercice toujours excitant, même si nous n’avons pas de don particulier, si ce n’est celui d’être attentifs et vigilants, aussi bien en Belgique, qu’à l’étranger. Le célèbre chimiste Lavoisier affirmait, à juste titre, que « rien ne se perd, rien ne se créée, tout se transforme », plagiant d’ailleurs le grec Anaxagore de Clazomènes en 450 avant JC, mais on s’en fiche à vrai dire. Et c’est un peu vrai : tout ce qui ouvre en Horeca s’inspire soit de l’ancien, soit de l’ailleurs, formant un loop infini de nuances et variantes infini. Waouw, le suspense est à son paroxysme….

 

Parmi les petits et grands perdants, les concepts en perte de vitesse, voire en plongée abyssale avec pour destination la fosse des Mariannes, nous avons :

 

1° les concepts mono-produits : devenant, dans une offre tendant finalement vers une grande diversité, souvent considérés comme fatigants et peu variés ou excitants ;

2° les dark kitchens : tenant probablement la palme du désintérêt, après un boom exponentiel durant la crise covid. Leur marché devient aride comme la mer d’Aral, seules quelques reliques persistent, comptant sur un public urbain, jeune et connecté, à qui la paraisse jouera des tours ;

3° les restaurants gastronomiques : la crise que traverse l’Horeca les oblige à se réinventer, réduire la voilure, revoir les formules, diminuer les coûts et, in fine, le ticket moyen. Et après tout, comme ne le disait pas le gourou de la gastronomie qu’est Peter Goossens, on peut à peu près partout manger (très) bien pour un prix abordable, et sans nappe à carreaux.

 

Dans l’entre-deux-mondes, certains courants persistent et se stabilisent. Il en va des brasseries à grand débit, les chaînes de fast-casual et les nombreux Horeca classiques (ceux n’affichant aucun autre concept que celui de simplement bien répondre à des clients en demande du strict minimum : bien manger et bien être servis).

 

Le podium des grands gagnants se partage, quant à lui, entre les stars du moment :

 

1° les fast-foods : oui, et nous en sommes sincèrement désolés, n’y étant pour rien dans cette débâcle, mais la crise financière ayant frappé durement les ménages ont amené ceux-ci à rogner sur les dépenses superficielles, dont l’Horeca. En chiffres moyens, un ménage préférera fréquenter trois fois sur un mois un fast-food en famille plutôt que de s’offrir, une fois le mois, un restaurant de grande qualité. Lamentable, mais c’est comme cela, la malbouffe gagne du terrain et c’est effrayant, vivement la météorite qui tombera avec fracas sur la planète Terre et ses populations déviantes.

2° les concepts de niche et restaurants d’auteurs : Ouf, la partie n’est pas perdue et l’Humanité ne s’éteindra pas tout de suite sous les graisses saturées et les sucres inutiles. Beaucoup de (jeunes) développeurs, attentifs et très au fait de la problématique de l’agro-alimentaire et l’industrialisation à outrance, redécouvrent les vertus du circuit court, de la circularité, des produits de saison, du sourcing des produits, de la noblesse de travailler un produit de qualité manuellement. Quel bonheur de bien manger, plutôt que de mal bouffer !

3° Les bars à café : Nouveau phénomène international, arrivé logiquement après avoir traversé les océans entourant le royaume, le café (et ses produits dérivés) est LA star du moment. Cette boisson qu’on se propose mutuellement aux quatre coins du globe acquiert ses lettres de noblesse, ses outillages de pointe, ses rutilantes machines à pistons et ses innovations dignes de l’aéronautique. Les bars à café pullulent et cartonnent tous. Ils sont rassurants et retissent les liens sociaux dans les quartiers, sans provoquer de nuisances (pas de hotte, pas de cuisine ou si peu, fermé le soir).

 

Bref, tout cela c’est bien, mais vous le saviez déjà à vrai dire, vous les foodistas à qui rien n’échappe, avides de la toute nouvelle adresse dont on parle (ou ne parle pas encore). Au rayons tendances prospectives, notre Cabinet souligne toutefois ces petites ou grandes tendances qui pointent le museau et s’annoncent comme des inévitables à l’avenir, et pour un cycle probable de quelques années :

 

1° la tendance « More is More » prend le pas du précédent « less is more » vu lentement mais sûrement comme boring. Les nouveaux Horeca qui comptent jouent à fond sur l’exubérance de leurs décors, somptueux, riches, garnis, fignolés, il faut de la matière, des objets, une âme. Fréquentez un Big Mamma et vous aurez compris. Mais ce ne sont pas les seuls, et loin de là. Ouvrez la porte de Bombay BBQ (by Mission Masala) à Ixelles, et vous vous prendrez la claque du genre qui vous laisse la joue enflammée et rougeoyante.

2° l’hybridation vient activer et exciter certains concepts, plutôt urbains : un concept clair et limpide, c’est bien. Mais un concept qui en croise un autre, à l’occasion d’un dîner à quatre mains, un featuring avec un autre label food ou une marque de sauce piquante, un battle avec un confrère, c’est mieux et ça crée l’exclusivité ! C’est l’hybridation horizontale. Mais l’hybridation peut aussi être verticale, avec un concept avalant ses fournisseurs par exemple, produisant son propre vin, sa propre bière à son effigie, voire revendant ses propres articles de merchandising en séries limitées, pondus par l’artiste du moment. La sortie au restaurant devient un acte quasi culturel.

3° la durabilité persiste et signe, en contrepoids de la part de marché grandissante de la malbouffe. C’est un contre-courant qui prend de l’ampleur face aux défis des maladies toujours plus nombreuses qui avalent nos générations. On pense, on croit et on est convaincus que bien manger aidera à sortir de cette spirale. En droite ligne, l’artisanat et le craft (sa version anglo-saxonne) marquent des points dans l’Alimentaire avec un grand « A ».

4° le sans-alcool n’est plus désormais un marché émergent. La génération Z sera une génération sans-alcool, ou avec alcool-intelligent : l’alcool ne se consommera plus en mode binge-drinking mais sera remplacé par toutes sortes de boissons et infusions en plein boom, voire pour les plus téméraires par (très) peu d’alcool, mais de l’alcool d’excellente facture, artisanal, sourcé, ayant une histoire. La mixologie s’en inspire déjà fortement, et la grande distribution emboîte le pas. Être saoul / skeil zat n’est déjà plus en soi un marqueur social de dominance et d’auto-contrôle, au contraire, la génération Z est celle du mouvement #MeToo, ayant mis en lumière la notion essentielle de consentement. Or, pour obtenir un consentement, l’alcool comme les drogues sont à proscrire.

 

A côté de cela, le marché de l’Horeca voit se superposer différents filtres, calques, filigranes qui tendent à orienter, sur le plus long terme, les concepts vers d’autres typologies émergentes.

 

Comme nos confrères du studio créatif WeWantMore le soulignaient récemment, « the Great Escape » est une tendance s’inscrivant sur le long terme : le monde est devenu hostile, complexe, dangereux. Le client Horeca cherche donc à vivre une expérience en-dehors du monde réel, à voyager de manière immersive, à changer d’espace-temps à l’occasion d’une sortie. Cela rejoint la tendance précitée More is More, le décor participant désormais largement à l’expérience. Autre tendance qui n’en est qu’à ses balbutiements : la génération AI (Artificial Intelligence). Qui a déjà tâté de la souris sur un logiciel comme MidJourdney a constaté la puissance des images délirantes qui en ressortent, repoussant les limites de la création du cerveau humain (sans influence de psychotropes, bien sûr). De nouveaux concepts et décors en émergeront, c’est sûr, dans un style inimitable et inconnu jusqu’alors. Nous sommes impatients ! La Communautarisationest, elle aussi, une tendance à ne pas négliger. Sans vous en rendre compte, vous faites tous partie de cercles, groupements, clubs, memberships et communautés dans tous les domaines de votre vie, en ce compris dans l’Horeca. Appartenir désormais à l’une de ces communautés, et en bénéficier d’avantages, est rassurant, dans un monde de solitude ou le chacun pour soi est la norme. La solitude des grandes villes n’a qu’à bien se tenir. Enfin, l’ancien a du bon, confirme une tendance que nous voyons poindre : dans un monde où la circularité, la réparation et les remèdes de grand-mère prouvent à nouveaux leur justesse dans un monde d’hyper-consommation, où l’obsolescence programmée devient un cancer à combattre, il est finalement bon de revenir aux basiques, à l’essentiel : retour aux sources, aux recettes anciennes, avec la mise à l’honneur de la cuisine authentique, des décors d’époque, avec un brin de nostalgie. Nous voyons en effet arriver d’ici quelques années de belles brasseries à l’ancienne, revisitées aux codes actuels, où manger une coupe Negrita sera plus qu’un cliché sur une vieille photo surannée.

 

Amusez-vous en 2024, allez au resto, et honorez vos réservations ! Ils en ont besoin. Nous serons là à vos côtés en 2024 pour créer les tendances et leur donner vie.

 

Par Grégory SORGELOOSE 21-12-2023

Le Paon qui Boit - Paris (crédit photo : Le Paon qui Boit)

Brasserie BELLANGER - Paris (Crédit photo : Groupe Nouvelle Garde)