Bye Bye les ghost kitchens et autres dark stores

Au cœur de Bruxelles, en cet an de grâce 2020, la pandémie a tissé un voile de silence, transformant nos rues animées en natures mortes dignes des plus grands maîtres flamands...

Date de l'article: 28 Février 2024

Au cœur de Bruxelles, en cet an de grâce 2020, la pandémie a tissé un voile de silence, transformant nos rues animées en natures mortes dignes des plus grands maîtres flamands. Dans cet immobilisme imposé par les faits et par la force, un esprit d'innovation s'est éveillé parmi les visionnaires de l'Horeca bruxellois (et belges, et internationaux), profitant d’une crise sans précédent pour lancer les bases d’un nouveau modèle économique novateur : les ghost kitchens, et leurs cousins proches que sont les dark stores. Rien de fantomatique toutefois dans ces concepts, qui ont « un peu » rendu vie à nos environnements urbains, désespérément vides et inanimés. Et nous les en remercions ! Mais les bonnes choses ont une fin, à défaut d’une faim…

 

Les dark stores, ces épiceries fantômes, ont émergé, matériellement ou à l’état de projets, dans les recoins les plus inattendus de notre capitale, derrière des murs aveugles ou au fonds de cours inhospitalières, offrant un service de livraison inédit, amenant le produit à des clients qui ne pouvaient plus aller le chercher. Gorillas, l’un des pionniers en la matière, promettait une révolution dans notre quotidien par des livraisons plus rapides que le temps d’envoyer un whatsapp tendancieux au mauvais destinataire. Mais, tel un mirage, cette promesse s'est dissipée aussi vite qu’elle était arrivée, laissant derrière elle une réflexion sur ce qui est vraiment essentiel.

 

Dans cette même quête d'innovation, Casper, notre startup belge en la matière que nous avions pris plaisir à installer en divers adresses, laquelle nourrissait de grands projets belges et bien au-delà, aspirait à redéfinir l'essence même de la restauration belge, en introduisant le concept de cuisines fantômes. L’enseigne au petit fantôme envisageait de transformer chaque foyer en une table d'hôte privée, où des plats cuisinés du plus bel effet seraient servis en un temps record, sans devoir sortir de chez soi ni même cuisiner. Belle promesse en ces temps de quasi-guerre, mais pourtant, malgré leur vision bien en phase avec leurs temps, ils se sont heurtés dès la sortie de pandémie, tout comme ses congénères, à l'indéfectible attachement des Belges à la convivialité et l’hospitalité, une tradition aussi ancrée dans notre culture que la bière trappiste dans nos soirées. Casper a tout récemment déposé le bilan, fin de l’histoire.

 

Cette période sombre a révélé la résilience extraordinaire et l'esprit d'entreprise des acteurs de l'Horeca bruxellois, et plus largement belges, qui sans cesse étaient invités, suivant l’expression consacrée, à se « réinventer ». Face à une crise économique rugissant à l'horizon, ils ont navigué avec une ingéniosité et persévérance en répondant à un besoin qui n’était pas encore né à peine quelques mois plus tôt. Ces expériences, riches en enseignements, doivent être vues comme des expériences positives, prouvant à qui veut l’entendre, le dynamisme de notre Horeca. Et si Casper était un exemple en tête de liste, le micro-concept bruxellois Eaters a également fait mouche, à plus petite échelle, sans oublier des dizains de candidats aux mêmes ambitions, dont le seul but était de créer des marques digitales, livrant à domicile, des plats aussi variés que goûteux, faisant tourner une économie de guerre à plein régime, avec pour vocation, de créer un nouveau mode de consommation. Avouons que la qualité n’était pas, pour tous, au rendez-vous, et rappelons que toutes les cuisines ne se prêtent pas à la livraison brutale et sans soin. Si l’immédiateté était la règle durant le Covid, en tant que professionnels de l’Horeca, nous étions déjà en 2021 sceptiques, voire pessimistes quant à la persistance de ce mouvement, selon nous, mort-né.

 

Cette tendance fera désormais partie du passé et ses nombreux courants ayant émaillé le secteur Horeca belge, et singulièrement bruxellois, vu que ce concept était une réponse à une réalité typiquement urbaine. On se rappellera collectivement les clichés fantomatiques de rues bruxelloises désertées et du véritable cataclysme induit par cette crise sanitaire. Mais heureusement, tout a repris « comme avant » ou presque, avec quelques nuances toutefois dans les habitudes de consommation « post-traumatiques ». Affaire à suivre…