Radioscopie du marché Horeca bruxellois en cette rentrée 2023

2023, annus horribilis ? D’aucuns pensaient que l’ère post-covid serait une délivrance, et que la vague de faillite tant pressentie dans l’Horeca était désormais derrière nous, le nombre de faillite, en nombre absolu, ayant en effet été relativement normal, voire faible, durant et juste après la pandémie

Date de l'article: 4 Septembre 2023

Radioscopie du marché Horeca bruxellois en cette rentrée 2023

Par Grégory SORGELOOSE 04-09-2023

 

2023, annus horribilis ?

 

D’aucuns pensaient que l’ère post-covid serait une délivrance, et que la vague de faillite tant pressentie dans l’Horeca était désormais derrière nous, le nombre de faillite, en nombre absolu, ayant en effet été relativement normal, voire faible, durant et juste après la pandémie. Mais s’en sont suivis ensuite d’autres déboires que tous connaissent : la pénurie criante de personnel dans le secteur, la flambée des prix suite à la guerre en Ukraine, sans oublier bien sûr l’inflation quasi-galopante dont la Belgique a eu à souffrir ces derniers mois, ayant porté un sérieux coup, en fallait-il encore un, sur l’Horeca, sa viabilité, sans oublier sur le pouvoir d’achat de la clientèle le fréquentant, et de manière plus générale, sur la population entière.

 

Mais 2023 contraste encore et toujours au niveau de ses tendances de fond. Car outre ces déboires cités plus haut, n’oublions pas que le secteur se réinvente depuis un cycle de plusieurs années, suite au départ en retraite d’une génération de développeurs et l’arrivée aux commandes d’une nouvelle génération talentueuse et définitivement motivée, nombreux projets et concepts à l’appui. L’Horeca reste un métier de passion, une vocation, et un domaine où, quoiqu’on en pense, on peut encore créer et s’amuser… du moins tant qu’on n’est pas rattrapé par les maux du secteur. Mais quand on est jeune, cela passe souvent au second plan !

 

Où en sont l’offre et la demande dans l’Horeca bruxellois ?

 

Un constat s’impose : le secteur reste ultra dynamique, changeant, mobile, comme il ne l’a jamais été d’ailleurs. Les passations et cessions, toujours plus nombreuses, vont bon train et dans tous les sens, les concepts s’ouvrent, se testent et se cèdent ou se ferment à une vitesse folle. Mais les conséquences du constat posé plus haut sont bien là et criantes.

 

Si un pays voisin comme la Hollande constate une nette augmentation des cessations d’activités Horeca, mises en vente ou faillites, la Belgique suit la tendance, avec quelques nuances toutefois. L’offre de dossiers Horeca sur le marché est élevée, comme elle l’a rarement été, et les demandent tiennent le cap, tête haute. Beaucoup de dossiers sont offerts à la cession sur Bruxelles, tandis que beaucoup décident également de cesser leur activité, quand ils ne sont pas cités en faillite, souvent par les créanciers privilégiés (notamment l’ONSS). Nul n’ignore les préceptes universels de la loi de l’offre et la demande : à demande égale, une offre en augmentation induit inévitablement une diminution des prix. Et cela se constate dans notre métier de tous les jours : la tendance à une diminution des prix de cession est un fait, mais de manière inégale.

 

Quid des valeurs des fonds Horeca ?

 

Les prix de cession obtenus pour les fonds de commerce (et les ventes d’actions ou cession de pas-de-porte) sont en érosion lente mais constante depuis plusieurs années. Nous l’estimons entre 20% et 30% en moyenne sur ces 5 dernières années. Mais une moyenne cache évidemment des extrêmes.

 

D’un côté du spectre, les dossiers qualifiés de AAA, à savoir les affaires à gros débit, les institutions, les fonds générant plusieurs millions d’euros de C.A annuel, les emplacements de 1er choix, les grosses affaires d’angle, etc… bénéficient d’une stabilisation de leurs valeurs de cession. Elles continuent à trouver acquéreur à des prix avoisinant voire dépassant les 50% du C.A. annuel htva et sont vues comme des phares, des valeurs sûres et rassurantes, qui traversent les crises et les modes sans broncher. On ne peut pas vraiment leur donner tort.

 

De l’autre côté du spectre, les dossiers mal situés, de taille trop modeste, aux gabarits alambiqués ou mal conçus, ceux souffrant d’infractions ou d’irrégularités urbanistiques, restent sans avenir et ne trouvent désormais plus acquéreur. Ils finissent, tôt ou tard, par prendre le mur, expulsion ou faillite à la clé.

 

Entre ces 2 extrêmes, la large majorité des dossiers souffrent d’une diminution de valeur, tout simplement car ils ne cochent pas les cases attendues par tout développeur Horeca qui se respecte : soit une rentabilité et une sécurité assurée, quitte à payer le prix, soit un emplacement de 1er ordre, ou plus simplement qualitatif, assurant une pérennité certaine à un nouveau concept. Ce n’est que contre paiement d’un prix vu comme « juste » et « attrayant » que ces Horeca se cèdent désormais, loin du prix « théorique » qu’ils vaudraient dans un marché normal.

 

Qu’en est-il de la tendance des dark kitchens, des concepts fast-casual et mono-produits ?

 

Nous le pressentions depuis déjà plus d’un an : le phénomène des dark kitchens n’attire plus grand monde. Si des demandes nous étaient faites par dizaines chaque mois en ce sens durant la période covid et post-covid, car une demande existait pour se restaurer qualitativement à domicile, désormais tout un chacun souhaite sortir, s’évader et expérimenter ce que l’Horeca fait de mieux in situNext

 

Les concepts fast-casual continuent leur percée, après plusieurs écrémages successifs. Des concepts vieillissant disparaissent des radars tandis que d’autres, toujours plus nombreux, éclosent, inspirés par ce qui se fait de plus novateur dans d’autres capitales. Les concepts fast-food continuent eux leur percée avec aplomb, appuyés par la baisse du pouvoir d’achat de la clientèle, préférant désormais, pour une large part, s’offrir 3 sorties sur un mois en enseigne fast-food qu’une seule sortie, devenue trop chère, au restaurant. La crise est passé par là.

 

Les mono-produits s’essoufflent également, laissant toutefois quelques acteurs majeurs et historiques tenir le haut du pavé. L’offre Horeca bruxelloise est tellement variée que beaucoup préfèrent, à l’occasion d’une sortie entre amis ou avec sa moitié, fréquenter un lieu de fine dining ou l’une des nombreuses cantines trendy et concepts léchés qui ont ouvert leurs volets ces dernières années. A titre d’exemple, prenons l’enseigne Be Burger, autrefois axée sur le seul produit burger, laquelle vient de faire un virage à 180° en élargissant son offre à une carte de brasserie et en ajoutant la particule « & more » à son nom. Un exemple qui en précède probablement beaucoup d’autres…

 

Les baux commerciaux, les loyers et les montages juridiques évoluent-ils aussi ?

 

La loi sur les baux commerciaux, remontant au 30 avril 1951, reste gravée dans le granit, et rien jusqu’à présent de lui fera dévier de sa trajectoire et de son formalisme exacerbé. Tout qui ouvre et exploite un commerce dépend, de facto, de cette loi. Nous constatons toutefois une évolution dans le marché, inspiré d’un montage pratiqué couramment en France : la gérance libre et autonome, que l’on pourrait traduire par « leasing ». Nous vous l’avons déjà évoqué dans un précédent papier. Cette formule, qui n’a rien de neuf, arrive en Belgique et s’avère être une solution créative et souple aux écueils que le marché Horeca connaît, avec un secteur bancaire toujours aux abonnés absents en matière de financement de l’Horeca. Plusieurs dossiers nous sont spontanément proposés par les cédants ou des bailleurs en ce sens. Rappelons qu’elle n’est en rien un contrat de bail commercial ou de sous-location commerciale, mais un contrat à part entière, incluant le droit d’occuper un bien.

 

Quant aux loyers commerciaux en Horeca, ils restent bien sûr sous pression et font l’objet de toutes les attentions. Fortement augmentés pour cause d’indexation, et malmenés durant le covid, ils ont fait l’objet de tous les débats depuis plus de 3 ans, obligeant les bailleurs à redoubler d’inventivité pour séduire leurs locataires, nouveaux ou existant. S’il est quasi unanimement acquis qu’un développeur Horeca démarrant un projet depuis une chape bénéficiera de gratuités et/ou d’un loyer progressif, reprendre un bail en cours ne permet pas cette ouverture. La négociation est à tous les coins de rue, avec pour conséquence des loyers faciaux en stabilisation, mais très rarement en augmentation. C’est là qu’une tendance nouvelle est apparue depuis quelques mois : l’avènement dans les négociations du thème du « loyer variable ».

 

Le loyer variable, fixé en fonction du chiffre d’affaires du locataire, n’est pas en soi une nouveauté, mais il s’invite dans quantité de négociations, le plus souvent à l’initiative de locataires désireux de faire participer le Bailleur au risque. Partager le risque reste en soi une logique louable. Si les affaires tournent vraiment bien, le bailleur en bénéficie avec un loyer augmenté. Mais en cas de business en berne, le bailleur s’en verrait impacté, parfois lourdement, mettant à mal ses calculs de rentabilité. La parade du « loyer minimum garanti » s’applique régulièrement, servant de plancher minimum.

 

En conclusion

 

Il ne vous aura pas échappé au fait que le marché est décidément très mouvant et changeant. Disons que tout se discute désormais ou presque. Mais ne tentez pas de discuter n’importe quoi n’importe comment avec n’importe qui, le marché Horeca, même changeant, se tient et continue à performer correctement. A bon entendeur…